Des spécialistes fautifs

Ces derniers temps, je dédie environ 15 minutes de ma journée pour regarder des discours de conférenciers au TED (Technology, Entertainment and Design). Le TED, c’est des professionnels de tous les domaines invités à venir partager leurs idées et leurs théories devant un public. Après vote, les meilleurs se retrouvent sur leur site Internet où l’on peut les voir gratuitement.

 

Ben Goldacre, médecin et auteur du livre Bad Science, est apparu à l’une des conférences, il n’y pas si longtemps. Il y va de sévères critiques envers les revues scientifiques qui tendent à ne publier que les études dont les hypothèses sont positives. Son exemple le plus intéressant concerne les recherches, approuvées par la FDA (Food and Drug Administration), faites autour des antidépresseurs. Cet organisme aurait admis 76 recherches, dont 38 aux résultats positifs (en faveur de la commercialisation de certains types d’antidépresseurs), contre 36 aux résultats négatifs. À la fin, 37 résultats positifs et seulement 3 résultats négatifs ont été publiés dans des revues spécialisées.

 

Les médecins et les pharmaciens consultent évidemment ces magazines. En tombant sur des études dont son contenu n’est jamais réfuté, ils prescriront des médicaments sans connaître tous leurs effets. Une faille aussi énorme dans la méthodologie de ces revues scientifiques peut alors avoir des répercussions dangereuses sur la société et ses individus.

 

La soluction de Ben Goldacre : publier absolument toutes les recherches, y compris les plus anciennes, concernant les drogues prescrites aux patients. De cette façon, les magazines scientifiques ne peuvent tomber dans le piège du biais de confirmation, en publiant seulement les études qui correspondent à leur idéologie.

 

En ce sens, il s’agirait peut-être d’une bonne idée de mettre sur pied une encyclopédie numérique pour favoriser l’accessibilité aux recherches de la santé en général. Avec le web, il serait possible de filtrer facilement les différentes études par mots clefs, ou par catégories, comme « symptômes » ou « médicaments ». La démocratisation de l’information est un atout non seulement pour le citoyen moyen, mais aussi pour tous les professionnels.

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Jolie

Sur des sites web spécialisés, des graphistes se regroupent afin de partager leurs avis, leurs inspirations et leurs techniques. Je suis tombé sur une longue infographie verticale, comme on en retrouve de plus en plus. Celles-ci sont la plupart du temps à propos de sujets assez simples, et accompagnées de statistiques. Évidemment, un exercice graphique de la sorte permet de mettre l’information en avant-plan, d’accrocher l’œil et de transformer un texte sans vie en quelque chose d’agréable à consulter. Cependant, avec du recul, j’ai l’impression que leurs auteurs manquent souvent de rigueur et de profondeur au niveau de la recherche.

Voici l’infographie à laquelle je fais référence. Il s’agit d’une liste des dix voitures les plus volées aux États-Unis.

 La première question je me suis posée est la suivante : pourquoi on nous dresse une liste sans soumettre une hypothèse ou une justification, qui pourraient appuyer ces informations? La Honda Accord de l’année 1994 est la voiture la plus volée aux États-Unis, et alors? Qu’est-ce que ses auteurs tentent de nous expliquer? Peut-être que les voleurs aiment spécialement ce type de voitures, ou qu’il s’agit d’une marque que l’on retrouve vraiment partout, alors par défaut, elle est la plus volée. Y aurait-il vraiment un lien de cause entre le territoire et le type d’automobiles cambriolés? Cela m’étonnerait.

Le graphisme existe pour aider les gens à mieux comprendre la communication d’un message. Mais quelle est sa valeur, lorsque le contenu est tiré du fait divers? On trouve un thème, retient ses informations superficielles et donne des conseils bidon (bien sûr que  je ferme la fenêtre de ma voiture pour ne pas me la faire voler). Puis, on entoure le tout d’une belle décoration, car oui, il s’agit d’une belle infographie, mais dans ce cas-ci, elle ne valide aucunement son contenu. Elle ne fait qu’appuyer le côté de sensationnalisme de la publication.

On ne peut pas vraiment accuser le graphiste en question. Le contrat lui a été soumis, puis il a accepté parce qu’il doit gagner sa vie comme tout le monde, en sachant très bien qu’il n’aurait aucun contrôle sur l’information qu’il aurait à intégrer dans son design. Néanmoins, se rend-il compte de l’influence qu’il détient sur la perception des individus qui consultent ces travaux? Qu’il peut les détourner de ce qui est pertinent, parfois même de la vérité. Les domaines de la communication nous l’ont tous prouvé, les gens font confiance à ce qui est esthétiquement plaisant. Les graphistes veulent créer la beauté, mais ils oublient parfois avec quoi ils ont affaire.

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L’attaque des conservateurs

J’avais déjà laissé un bref commentaire sur la politique à l’intérieur d’un de mes précédents billets, mais les derniers évènements me donnent l’occasion de me prononcer plus en détail. La politique est largement dominée par les arguments fallacieux. Dans n’importe quelle science, il serait impossible de voir autant de faibles rigueurs méthodologiques. Par contre, dans ce domaine, tous les coups sont permis. Il vaut mieux attaquer les idées des autres, que promouvoir les siennes semble-t-il. Évidemment, les pires bêtises se retrouvent aux États-Unis, où la politique prend l’allure d’un spectacle à grande échelle. Le Canada rattrape pourtant ses voisins du sud, avec les nouvelles publicités-chocs du gouvernement Harper.

De la propagande « à deux cents », certes, mais peu importe la qualité de la réalisation, les conservateurs ne font pas dans la subtilité. Il s’agit d’une des bassesses impardonnables. Le pire, c’est que le commentaire de Justin Trudeau est pris totalement hors contexte. En réalité, il est en train de faire une citation, donc il ne parle pas selon son point de vue. À regarder à partir de la quarantième seconde.

Par la suite, le narrateur dans la publicité se moque de Justin Trudeau qui pose à la caméra. Évidemment, il ne précise pas qu’il s’agissait d’un défilé de mode pour ramasser des fonds pour la fondation canadienne du foie.

 

Un geste disgracieux, qui nuit à l’avancement d’une société.

 

 

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Des statistiques vides de sens

Les émissions sportives nous ont habitués à analyser les chiffres qui répertorient des données sur les équipes et les athlètes de tout niveau. Le hockey en est un excellent exemple, au Québec, où le nombre d’experts qui le commentent est plus grand que nécessaire. Mais au-delà de leurs remarques souvent peu approfondies et peu justifiées, la diffusion d’un match de hockey devient l’objet de tentatives désespérées à combler le vide entre les arrêts de jeu, et ce à l’aide de toutes sortes de statistiques hasardeuses. Étant avant tout un sportif de salon, je me suis amusé à compiler quelques chiffres dont la chaîne RDS nous rapporte continuellement durant un match du Canadien de Montréal.

 

Il faut croire que la stratégie première des réseaux sportifs est de créer des rapports de causalités avec des variables qui ne sont que corrélées. À chaque match, on nous présente la fiche d’une équipe lorsqu’un de ses joueurs marque un but. Vous remarquerez que toutes les fois, il s’agit d’une statistique positive, dans laquelle l’équipe obtient beaucoup plus de victoires que de défaites. Évidemment, plus qu’une équipe fait de buts, plus il y a de chances que plusieurs joueurs aient participé au pointage, et plus il y a de chances que celle-ci remporte alors la victoire. Ces chiffres ne sont donc pas très concluants, car rien ne nous indique un rapport de cause entre les différentes variables. Ils servent plutôt à créer une sorte d’engouement ou d’attente dans laquelle on implique émotionnellement le spectateur dans les possibilités de fin de match.

 

On a également l’habitude de voir la fiche d’une équipe lorsqu’elle marque le premier but. Encore une fois, certains analystes tentent de justifier cela avec des théories douteuses : « Cela démontre leur force de caractère ». On retrouve d’autres statistiques du genre, dont la fiche d’une équipe lorsqu’elle affronte un opposant en particulier, les tirs et les buts qu’elle fait ou accorde lors des différentes périodes, etc. Les gens du milieu les utilisent comme pseudoprédiction : « Regardez ce qui pourrait arriver! » Il faut bien nourrir le spectacle.

 

De l’analyse de ces statistiques vides de sens découle un vocabulaire spécialisé vide de sens. Ronald King a abordé le sujet en janvier dernier, en citant l’entraîneur Michel Therrien qui voulait une équipe qui joue « sur la pointe des pieds ». On peut également noter parmi les expressions populaires des experts du domaine : « le sentiment d’urgence », « le hockey de rattrapage » et « terminer sa mise en échec ».

 

Je termine ce blogue en élaborant une situation fictive :

Le score du match en cours est d’un à zéro pour les équipes respectives « A » et « B ». L’analyste de la partie nous fera remarquer que l’équipe A détient une fiche de 30 victoires et 2 défaites lorsqu’elle marque le premier but. Elle connaît du succès dans ces conditions et possède alors un avantage sur son adversaire. Il faudrait alors que l’équipe B augmente son intensité d’un cran pour ne pas jouer « du hockey de rattrapage ».

Rinse and repeat.

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Arnaques écologiques

Les voitures hybrides et électriques ont fait leur apparition sur le marché il y a déjà quelques années. Elles gagnent lentement en popularité et s’affichent comme étant l’ultime moyen de transport propre. D’après certains, elles monopoliseront même le marché de l’automobile dans un futur proche. Elles font de plus en plus d’apparitions dans les publicités, en étant décrites comme la solution écologiquement responsable. Les concessionnaires nous cachent cependant son pire défaut, soit son côté polluant.

 

Pour commencer, les voitures électriques possèdent une autonomie variant en moyenne entre 100 et 150 km. Elles doivent par la suite refaire le plein d’électricité. Vous savez déjà que cette source d’énergie, à l’échelle mondiale, est produite principalement grâce à des centrales thermiques, qui produiront de leur côté différents gaz polluants. Évidemment, au Québec, nous pouvons compter sur les barrages électriques, mais aux États-Unis ou dans l’Ouest canadien, les sources d’électricité sont produites en grande quantité par la combustion de fossiles. Les compagnies automobiles le savent, et continuent de promouvoir leurs produits dans ces régions. Il faut se rappeler que l’honnêteté ne rapporte pas toujours des sous, qu’il est préférable pour eux d’ignorer ces « détails ».

 

Ensuite, pour que la voiture puisse se déplacer sur de longues distances, l’énergie doit être stockée dans une batterie. Celle-ci repose sur de multiples procédés chimiques contenant des formes de nickel, de plomb ou encore de lithium, qui optimisent alors son autonomie. Après environ 7 ans, cette batterie se retrouve inutilisable et devient un vrai fléau environnemental, lorsque jeté. Certains pays européens projettent de construire des centres de recyclage spécialisés. Reste à savoir si ce sont les compagnies automobiles ou les contribuables qui paieront pour cette gaffe.

 

Ironiquement, ces entreprises vantent les qualités d’un type de véhicule qui en sont pourtant ses principaux défauts. Avec l’aide d’une stratégie communicationnelle, qui met en avant-plan les progrès des nouvelles technologies (mal comprises pour le consommateur moyen), ils peuvent arnaquer des citoyens aux bonnes intentions. Peut-être qu’en fait, le tout est déjà expliqué avec l’aide des minuscules caractères au bas de leurs publicités télévisuelles.

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Les mythes américains

Dans le cours de perspective critique, nous avons abordé le mythe, c’est-à-dire, les idées préconçues qui traversent les générations et qui marquent notre conscience collective. Qui sont les porteurs de mythe? Les médias en général, plus particulièrement Hollywood et la publicité. En effet, les acteurs au cinéma et à la télé doivent entre autres incarner des mythes à la perfection pour espérer avoir du succès et garder leur statut de vedettes. Les médias de masse se sont donnés comme rôle de diffuser des images qui respectent une entente préétablie entre les spectateurs. Il s’agit d’un premier pas vers la conformité, puisque les mêmes idées sont alors constamment véhiculées. À cet égard, on pourrait affirmer que le président des États-Unis est assurément la personne qui doit le mieux représenter les mythes américains dû à l’intérêt que les médias portent pour lui.

Le candidat à la présidence doit soutenir une cause bien précise, représenter quelque chose qui séduira son public, en plus d’adhérer aux concepts américanisés de la liberté, de la démocratie, de l’individualisme, etc. Il doit respecter ces codes pour ainsi obtenir la faveur de ses pairs, puis de la population. Un peu comme le héros d’une histoire fictive, il a surmonté des épreuves difficiles pour atteindre sa quête, soit dans cette situation, la présidence. George W. Bush a vécu l’enfer de la drogue, tandis que John McCain est décrit comme un ex-militaire exceptionnel qui a confronté la mort à plusieurs reprises. Le peuple américain perçoit d’Obama l’aboutissement victorieux de la lutte contre le racisme, et de jadis, l’esclavage. Avec ces étiquettes, le président est présenté tel un être devenu exceptionnel grâce à ces efforts individuels. Il cultive l’illusion dans le rêve américain, en symbolisant tous ces mythes à la fois.

Le politicien qui se présente aux élections est alors jugé d’après les idées qu’il représente, et non celles qu’il propose. Cela expliquerait d’une certaine façon pourquoi les leaders d’aujourd’hui n’ont plus de projets de société. Ils ne peuvent sortir du « moule » qu’exige leur rôle pour proposer des idées innovatrices, car en s’excluant de la norme, ils ne peuvent recevoir l’appui de la majorité de la population. Les politiciens et les acteurs doivent, au final, agir à titre de rassembleurs, et ce, en entretenant les mythes de la collectivité.

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La cause des comportements violents selon les médias

Ma dernière entrée concernait le débat sur le contrôle des armes à feu qui fait toujours rage aux États-Unis. Les républicains semblent en général tous d’accord sur le même point : les lois actuelles entourant les armes à feu ne sont pas la cause du taux élevé de tueries et d’homicides au pays. Il s’agirait plutôt de la faute des jeux vidéo violents, ce qui est ironique, puisqu’en suivant cette logique, le désir de manipuler des armes virtuelles se transposerait dans le réel, ce qui nous renvoie donc au problème de possession d’armes à feu.

 

Le jeu vidéo est un média qui est ennuyé par son propre phénomène de nouveauté, qui n’est toujours pas apprivoisé par une partie de la société. La violence dans l’art existe depuis toujours, en peinture comme au cinéma, et elle a toujours été critiquée par les conservateurs de chacune de ces époques. Cependant, les jeux vidéo, par son côté interactif et immersif, possèdent la recette parfaite pour terroriser ceux qui ne les comprennent pas.

 

Justement, Bill O’Reilly utilisait, dans ce fragment d’épisode, le terme « culture » pour décrire le phénomène des jeux vidéo violents. Un terme qu’il l’avait agacé lorsqu’utilisé par Bob Costas, afin d’expliquer la problématique du faible contrôle des armes à feu. Comme quoi l’utilisation d’un mot banal dans un contexte particulier peut faire grincer les dents de tous. De plus, il semble que dans ce cas particulier, « culture » est utilisé pour décrire les agissements d’un groupe autre que le leur, s’assurant d’isoler celui-ci, et de l’éloigner de la conformité.

 

Pour continuer, le National Rifle Association et son représentant, Wayne LaPierre, se sont empressés de pointer du doigt les jeux vidéo, la musique et les films de nature violente lors d’une conférence qui a pris part en décembre dernier, en réponse à la tuerie ayant eu place à Newton. Une organisation qui touche 300 millions de dollars par année ne peut évidemment pas prendre le blâme des crimes violents survenant dans la société. LaPierre s’est donc occupé de poser les vraies questions, qui pourraient rallier les adeptes de sociétés totalitaires : « With all the foreign aid, with all the money in federal budget, can’t we afford to put a police officer in every school? » Si les médias de nature violente peuvent affecter le comportement du peuple, alors LaPierre aurait-il vu trop de films du genre western : « The only thing that stops a bad guy with a gun is a good guy with a gun. » S’agit-il d’une citation provenant d’un film de Sergio Leone?

 

Bref, aucune étude n’a pu prouver de liens directs entre des comportements violents et les jeux vidéo. Le débat est alors inutile, mais les médias doivent nécessairement créer des nouvelles, peu importe leur pertinence. La défaillance du discours de LaPierre est très similaire à celui de O’Reilly, dans lequel ils sortent le débat de son contexte, ils attaquent personnellement des organisations ou des individus afin d’éviter de répondre à leurs arguments, et ils s’en remettent à la déformation de faits pour gagner la faveur du public.

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Patriotisme et armes à feu

Bill O’Reilly, hôte de l’émission politique The O’Reilly Factor, diffusé sur Fox News, est principalement connu de la gauche pour manquer de respect à ceux qui s’opposent à ses idées et pour tenir des discours controversés, souvent appuyés de faits déformés, prouvant son manque de rigueur journalistique.

 

Ces derniers temps, à son émission, les invités sont pour la plupart des gens de la sphère médiatique s’étant prononcés sur le débat du contrôle des armes à feu aux États-Unis. O’Reilly, qui croit que les Américains n’ont déjà pas assez de liberté à ce niveau, fait face à Bob Costas, commentateur sportif à la NBC, qui relève la problématique de la culture des armes à feu.

 

Ce dernier n’est pas le plus « radical » parmi ceux qui ont une opinion négative du contrôle des armes à feu actuel. Il demande au gouvernement de rendre les transactions plus difficiles pour ceux qui ont un casier judiciaire, d’imposer une formation sur la sécurité aux acheteurs, et d’abolir la vente d’armes automatiques, qui devraient rester entre les mains des policiers et des militaires. Il s’agit d’une prise de position modérée selon un point de vue américain, mais tout de même loin de la réalité des autres pays occidentaux.

 

Durant l’entrevue, O’Reilly évite constamment d’aller au cœur du sujet, en préférant faire des références aux Pères fondateurs, comme si des valeurs traditionnelles étaient la réponse au conflit d’une époque moderne. Il incite tout au long de l’entrevue sur le fait que les Américains éprouvent le besoin de se protéger et de se sentir en sécurité, que les armes leur ont permis, à l’époque des treize colonies, de se défendre contre les prédateurs du monde animal et des Amérindiens, qui n’aimaient pas les Américains. Eh oui, les Américains ont dû se défendre contre les Amérindiens, selon lui. Dans ce même ordre d’idées, le terme exact pour avoir causé un premier geste agressif (soit la colonisation dans cet exemple) qui a entraîné une réponse de la part des opprimés, puis une autre de la part des colonisateurs, est « défendre » ou « protéger ».

 

Les Américains sont donc les victimes de leur propre colonisation. « Most of the people don’t understand this history », lance-t-il pour nous rappeler que ce débat possède des thèmes au-delà de nos propres connaissances. Malheureusement, nous ne comprenons pas cette histoire puisqu’elle est manifestement tirée de l’imaginaire de fervents nationalistes. O’Reilly, comme bien d’autres de sa nature, déforme l’histoire pour lui donner une tournure dramatique, ce qui est digne d’Hollywood.

 

O’Reilly sort ensuite le débat de son propre contexte, en citant des exemples qui ont peu de chances de se produire, soit une tuerie comme celle qui est arrivée dans un cinéma de Chicago : « Would you rather have the choice of ducking down on the floor or having a hand gun on you to pull out and defend yourself against the man [le tueur]? » En plus de l’utilisation d’un faux dilemme, dans lequel il y a une absence totale de nuances, le débat est déplacé vers une mise situation à peu près improbable pour l’Américain moyen. Cependant, l’appel à la peur est toujours un moyen efficace pour impliquer des émotions qui n’ont pas à avoir lieu dans un débat où une argumentation rationnelle est le seul vrai moyen d’apporter de solutions nouvelles.

 

Il est dommage de voir qu’il s’agit d’un des talkshows les plus populaires des États-Unis, où l’animateur en question n’est pas capable d’utiliser son sens critique, qu’il s’en remet plutôt à des techniques méprisables, afin d’avoir absolument raison.

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L’important est d’avoir raison

Lors de ma dernière entrée, j’ai abordé entre autres certaines techniques que les compagnies utilisent pour améliorer leur image. Une petite enquête marketing, quelques sous dépensés ici et là dans des causes nobles, et puis hop! Le tour est joué. Je crois que la clef de ces stratégies est de camoufler les réelles intentions des entreprises. Par exemple, Nick Naylor, interprété par Aaron Eckhart dans le film Thank you for Smoking (Jason Reitman, 2005), répond à son opposant qui affirme que sa compagnie de tabac est la raison pourquoi le jeune garçon présent dans la salle est atteint du cancer : « How on earth would Big Tobacco profit off of the loss of this young man? Now, I hate to think in such callous terms, but, if anything, we’d be losing a customer. It’s not only our hope, it’s in our best interest to keep Robin alive and smoking. » Les réelles intentions de Big Tobacco ne sont évidemment pas la santé de ses clients, puisque c’est connu et prouvé par plusieurs études, le tabac tue. Par contre, Naylor, en jouant la victime, en feignant la compassion, se débarrasse des attaques de son opposant avec aisance.

Pour continuer, on pourrait qualifier Nick Naylor d’hybride entre charlatan et escroc, qui gagne sa vie en étant lobbyiste pour une compagnie de tabac. Sans aucun répit, on le voit utiliser ses stratégies communicationnelles dans l’ultime but de gagner la sympathie des gens, et ce dans toutes les sphères de sa vie. Tous les mots utilisés par Nick ont un objectif précis. Son discours exclut toute phrase qui pourrait mener à l’incompréhension de son auditoire. Il maîtrise son art à travers le langage, en « prouvant » que ses opposants ont tort et en détournant leurs questions. Quand on y pense, il ne s’agit de rien de très extraordinaire, puisqu’on le voit en politique tous les jours. Cependant, il faut être le meilleur de son domaine pour défendre l’indéfendable.

Pour accomplir cela, il doit évidemment s’exprimer à l’aide d’un discours creux, dont il nous est impossible de contredire. Des citations telles que : « Nothing is more important than American children » font en sorte que les spectateurs n’ont d’autres choix que d’être en accord avec lui. Ils se rapprocheront de Nick, puisqu’ils ont trouvé, d’une certaine manière, un point en commun, une façon de s’identifier à lui. Le mur qui se dressait entre eux se dissipe, laissant derrière un autre piège: il annonce la mise sur pied d’une campagne de sensibilisation de 50 millions de dollars. On voit la réaction de l’auditoire, qui en est abasourdi. Ils semblent voir l’équation comme telle : plus que l’on met d’argent dans une cause, plus celle-ci nous est chère. Big Tobacco doit alors vraiment aimer ses clients, soit leur source de profits, pour investir une telle somme. Qu’en est-il des entreprises non-fictives, qui dirigent notre monde?

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La facilité

Le citoyen moyen tente désespérément d’évaluer les grandes décisions des sociétés avec le peu de ses connaissances. Évidemment, nous ne pouvons pas tout connaître et n’avons pas toujours le bagage nécessaire pour se prononcer sur l’actualité. Pourtant, avec un peu de recherches, nous pouvons découvrir bien plus que l’on peut imaginer. Hélas, certains préfèrent la facilité, les émotions, et le spectacle. Ils préfèrent l’avis de chroniqueurs ou d’animateurs de radio exubérants, qui eux-mêmes n’ont pas toujours effectué de recherches adéquates. On baigne alors dans une mer d’informations parfois fausses, parfois vides parce que notre société accepte que l’on tombe dans la paresse intellectuelle en permanence.

Parmi cette mauvaise habitude, il y a une tendance qui nous laisse croire qu’en sachant simplement le montant d’argent déboursé par des groupes ou un individu, on a l’aperçu nécessaire pour être en mesure de se prononcer sur cette dépense. Je me souviens d’avoir entendu Dany Turcotte à Tout le monde en parle s’excuser pour avoir utilisé le terme « fif », puis donner cent dollars à un organisme qui défend les droits des homosexuels pour racheter son erreur. À mon souvenir, ce cas n’a jamais été souligné dans les médias, peut-être dû au fait qu’il est lui-même homosexuel, mais cela n’est pas une raison en soi. Je vois plutôt ce don comme une façon de confirmer la sincérité de ses excuses, pour prouver à tout le monde qu’elles ne sont pas seulement des paroles en l’air. Bref, l’argent dépensé par les différents groupes et individus pour se faire pardonner, ou encore pour gagner du capital politique, sont rarement remis en cause, puisque le simple fait d’allier leur surplus financier à une cause noble suffit pour calmer les ardeurs de la population.

Je pense particulièrement à cette publicité de savon à vaisselle par Dawn, dont la compagnie a investi une somme que l’on ne connaîtra probablement jamais pour nettoyer des animaux contaminés par des déversements de pétrole. Évidemment, dans la publicité, nous avons le droit à quelques plans dramatiques de ces pauvres bêtes,  peut-être faussement couverts d’une sorte de substance noire et gluante. On les voit incapables de se mobiliser, mais une fois nettoyées par ce produit infaillible, ils retrouvent leur forme d’antan. Ils ont même l’air heureux! La compagnie en question fait bien de nous rappeler qu’à l’achat de chaque bouteille de savon, un dollar est investi dans cette opération de sauvetage. En fait, c’est nous qui sauvons les animaux, semble-t-elle préciser. Cependant, qui sait où se retrouve réellement cet argent, en fin de compte? Peut-être dans le matériel médical, ou encore dans les poches d’un bureaucrate qui occupe un poste d’une division obscure de cette même société?

Évidemment, ces belles fondations manquent souvent de transparence. Si nous ne connaissons pas la manière dont ils gèrent leur argent, ou plutôt le nôtre, comment peut-on s’assurer qu’ils empruntent la bonne démarche? L’industrie du ruban rose (Léa Pool, 2012), sortie il y a environ un an, a eu la tâche de nous le rappeler :   « Mais on sait que seulement 5 % de cet argent est dédié à la recherche sur les causes… Si on ne s’attaque pas aux causes, je vois mal comment on peut trouver des médicaments » révélait la réalisatrice à La Presse. Le film souligne également la tendance des entreprises de cosmétiques à « soutenir » des causes dans l’unique but de redorer leur image. On peut également retrouver un peu partout sur le web et dans les magazines scientifiques des articles sur la toxicité de certains ingrédients se retrouvant dans ces produits, ainsi que le lien qu’ils ont avec des maladies dermatologiques.

Il vaut mieux prévenir que guérir, soit de participer à de bonnes causes pour surpasser le contenu médiatique qui pourrait affecter négativement les ventes.

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